Deep Rivers - Paul Lay

CHRONIQUES DE CONCERTS

 

Le Paul Lay Trio avec Isabelle Sörling et Simon Tailleu présente “Deep Rivers”, des reprises de chansons américaines qui ont façonné la culture des tout premiers musiciens de jazz. Ce choix de thèmes populaires récurrents qui ont jalonné un siècle d’histoire, 1860-1960, principalement des folk-songs et spirituals écrits entre la guerre de Sécession et la première guerre mondiale, encourage la méditation et donne lieu à une réinterprétation magistrale. Le trio s’approprie cet héritage en disséquant les textes pour en extraire le sens profond, en enrichissant les mélodies et en extrapolant à partir des harmonies originelles. Les nuances qu’introduit Paul Lay, que l’on connait pour son extrême délicatesse et son aptitude à rendre n’importe quel morceau délectable en l’enrichissant d’accords de son cru, sont captivantes. Le toucher et le swing de cet artiste pétri de tradition mais également très moderne dans sa façon de contraster les attaques, les différentes parties du discours, sans jamais surjouer les notes faibles et accentuées, sa façon de plaquer l’accord ou d’égrener l’arpège, la place qu’il laisse à ses partenaires, tout cela ravit l’auditeur. Face à lui, la merveilleuse Isabelle Sörling, avec sa sensibilité à fleur de peau, sa tessiture et son registre étendus, ses changements de timbre, sa dynamique. Reconnaissable entre mille, sa voix véhicule une variété d’émotions avec une rare intensité. Son contrôle total de la colonne d’air lui permet d’exprimer la bonne humeur, la joie, le spleen, l’amertume, la rage et le désespoir… Une justesse incroyable l’autorise à enjamber les intervalles les plus audacieux. Les réminiscences de folk irlandais démontrent qu’elle est dans son élément. Quant à Simon Tailleu, éminent contrebassiste à la fois discret et omniprésent, il se fond dans ce moule qu’il émaille de magnifiques motifs rythmiques et mélodiques sans jamais empiéter sur le déroulement du récit et contribue à façonner l’identité du projet. Dans cette collaboration, on ressent instantanément le respect mutuel et l’empathie. Grandiose.

La gazette bleue

 

Ce dernier vendredi estival restera longtemps dans les mémoires des spectateurs. Il n’y avait qu’à voir comment, à l’issue du concert de Paul Lay, la salle s’est levée comme un seul homme, applaudissant à tout rompre, pour comprendre qu’il s’était passé là quelque chose de fort. Il faut dire que le projet de Paul Lay, en trio avec le contrebassiste Simon Tailleu et, surtout, la chanteuse Isabel Sörling, est superbe. Surtout car c’est elle qui est en avant, figure de proue de ce navire aux lignes délicates. Le projet est un répertoire monté à l’occasion des 100 ans du jazz avec des reprises de chansons populaires américaines depuis la guerre de Sécession jusqu’aux années 1960. Dans le théâtre, on goûte chacune d’elles avec délices. Bien entendu, quand les musiciens se retirent, le public, debout, tonne, siffle, en redemande. On ne redescend pas comme ça d’une aussi belle poésie. Le bis sera une reprise de « Ain’t got no », revisitée maintes et maintes fois et dont la version originale, en l’occurrence celle de Nina Simone, reste l’étalon-mètre. Celle du trio est impressionnante et, sur ce morceau comme sur les autres, la prestation d’Isabel Sörling abasourdissante. Le public en redemande une fois encore, fort, très fort même.

 

citizen Jazz (concert du 22 septembre 2019 à Anglet)